Mémoire sur la Bastille

XVI PRÉFACE

petits personnages. C’est le roi lui-même qui, directement ou par l'intermédiaire du ministre de Paris, leur confère en des cas particuliers un pouvoir discrétionnaire, dont la seule procédure consiste dans l’expédition des lettres de cachet. Un ordre verbal, un simple avis peut même suffire, et la lettre de cachet n’arriver que postdatée, après l'internement. Quant aux détails mêmes de l'exécution, ils dépendent uniquement du lieutenant général et de ses agents : aucun usage de la force ni de la ruse n’est interdit.

Il est inutile d’insister sur la différence qui sépare notre mandat d'amener, ou les bills d’attainder, ou encore l'arrestation flagrante delicto, de la leitre de cachet : il est clair qu’un ordre secret et arbitraire de détenir en prison tel ou tel individu, la mesure fût-elle justifiable par l'intention, était susceptible de terribles erreurs, sur la culpabilité, sur la réalité du fait incriminé, et même sur l'idendité de la personne. Le souverain le plus équitable pouvait être amené à signer des ordres injustes sur des rapports faux, intéressés, exagérés ; et les ministres ou agents minis-

1. Comme maîtres des requêtes, les lieutenants généraux de police pouvaient siéger au Parlement. Mais ils ne paraissent pas avoir usé de ce droit, qui, après avoir été commun à tous les maîtres des requêtes, avait été restreint par l’usage à quatre d’entre eux seulement. Comparez à ce propos l’affirmation de Linguet, p. 144 infra, et l’article Maître des

4 , 1 3: , 3 . + requêtes de l'Encyclopédie méthodique (jurisprudence).