Mémoire sur la Bastille
PRÉFACE XXXVIF
ce bruit moins à l'opinion qu’on avait des talents de Linguet qu'à sa réputation d’être « un avocat de: mauvaises causes ». Quoi qu’il en soit, il vivait très retiré, à Marnes, près Ville-d’Avray, quand le Comité de sûreté générale ordonna sa comparution devant le tribunal révolutionnaire. On l’accusait d’avoir calomnié le pain (c'était un de ses plus vieux paradoxes), encouragé les agioteurs et spéculateurs er farine, et de s’être fait l'apôtre, le flatieur et le défenseur du despotisme et des despotes. Il précipitæ lui-même sa condamnation en demandant d’être jugé au plus vite. Il écrivit au crayon sa défense pendant la lecture de l'acte d'accusation, qui ne lui avait pas: été préalablement communiqué : ses réponses sont nettes et courageuses. C’est principalement parce qu’il avait écrit à Louis XVI qu’il fut condamné. Sur la charrette, privé de prétre, il lut Sénèque. Il s'était livré avec une sorte d’impatience d’en finir : il périt avec courage (27 juin 1794).
Pendant son existence troublée, il n’avait jamais eu avec sa famille que les rapports les plus bienveillants et les plus désintéressés. Il avait rencontré, auprès d’une femme séparée, une très longue et très fidèle affection : le cœur chez lui était moins mobile que l'esprit. Il a tant et tant écrit qu'il ne s’est donné le loisir, ni d'acquérir un style personnel, ni de choisir entre la multitude confuse de ses plans et de ses idées. Il fut aussi universel que Voltaire. Mais Voltaire eut