Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

DRESDE | 213

qui était dans Dresde. Comme j'en faisais partie, et comme j'ai été à même, pendant deux mois et demi que je suis resté dans cette ville, de remarquer tout ce qui s'y est passé à cette époque jusqu’au moment de la capitulation, je peindrai en peu de mots toutes les horreurs qui s y commirent.

L'armée, sous les ordres du maréchal Gouvion SaintCyr, était toujours bivouaquée aux environs de la place; mais elle était considérablement affaiblie par les maladies que les privations en tout genre y avaient occasionnées. Pendant plus de deux mois les soldats ne vécurent que de pommes de terre et de choux qui n'étaient point en maturité. Je mets en fait qu'ils ne touchèrent pas dans cet espace de temps vingt rations complètes de pain, riz et biscuit. Dans le principe ils avaient un peu de viande!; ensuite on les voyait se jeter comme des corbeaux sur des chevaux morts, pour s’en partager les débris.

Les hôpitaux, qui étaient en grand nombre et pour la plupart très vastes et très bien exposés, étaient remplis de blessés et de malades qui éprouvaient plus que tous les autres les horreurs des privations. Ils mouraient par centaines chaque jour; dans les derniers jours du blocus on ne donnait presque aucun aliment aux malades. Sans médicaments, sans linge et presque sans nourriture et sans soins, la plupart mouraient dans les souffrances ou de besoin; ceux auxquels il restait encore

? Le XIVe corps n'avait ni vivres ni fourrages. Dès le 29 août, on constatait qu'il n y avait à Dresde que 4,400 livres de farine en magasin, et que tous les effets des hôpitaux avaient été envoyés à Torgau avant la reprise des hostilités. Les troupes furent mises à la demiration dès le premier jour (30 août), et la distribution de viande cessa le cinquième (3 septembre). On n'eut plus ni riz ni vin après le 11 septembre. «