Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)

DANS LE MIDI EN 1815 225

devant n'importe quelle autorité. Il fut tellement surpris de ma présence et de ma franchise qu’il se décida à me laisser me rendre à mon logement, sous la surveillance de ses agents. Il était huit heures du soir lorsque je sortis de chez lui; et me rendis à mon logis sans escorte. Une heure après, deux de ces agents se présentèrent avec un enfant, dans ma chambre où j'étais avec mon aide de camp. Ils me déclarèrent qu'étant chargés de me surveiller, ils passeraient la nuit dans ma chambre. Malgré toutes mes instances, ils persistèrent à y rester, et ils y passèrent la nuit. Je fus obligé de leur donner à boire, et la nuit ne fut qu’une orgie. Le matin, ils se retirèrent de mon appartement. Je rédigeai de suite un mémoire pour le maréchal Pérignon au sujet de ce qui venait de se passer à mon égard, et le lui envoyai par mon aide de camp. Indigné de la conduite de la police envers moi, le maréchal envoya aussitôt son premier aide de camp chez le chef de la police pour lui témoigner le mécontentement de me voir traité de la sorte, et avec ordre de me rendre de suite la liberté. Peu après un commissaire principal de police en grande tenue se présenta chez moi, et me remit une lettre de son chef, par laquelle ce dernier m'exprimait tout le regret qu'il avait de la manière dont ses agents s'étaient comportés chez moi, et me fit rendre la liberté. Je fus aussitôt répéter de vive voix au maréchal tout ce qui venait de m'arriver. Il me consola et me dit que dans de pareils moments il fallait s’armer de patience.

Quelques jours après !, je reçus du prince (duc d’An-

1 Pendant cette attente, il avait connu l'ordonnance qui mettait fin aux pouvoirs des commissaires royaux (18 juillet), faisant espérer un peu plus de calme; la soumission de l'armée de la Loire au gouvernement royal, et le drapeau blanc enfin arboré à Bordeaux (21); mais

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