Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
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moyens et ses mobiles ? Quel est son présent, quel est son avenir ? Que lui enseigne en un mot la morale ? quelque chose de très-simple et très-conséquent tout ensemble: vivre pour sentir tant qu'il y a sensation et puis tomber au néant , le tout fatalement et sans qu'il y ait pour lui à compter soit sur cette providence en petit qu'il devrait avoir en lui-même , soit sur la providence infinie qu'il devrait trouver hors de lui pour s'y confier et s'y appuyer. En lui comme hors de lui, avec l'âme et ses facultés, Dieu et ses perfections , toute providence s’est évanouie et a cédé la place à l'aveugle nécessité.
Voilà où se termine, et j'ajoute, où se perd toute cette philosophie qui, sensualiste jusqu’au bout, l'est en morale comme en métaphysique, et en théodicée comme en psychologie. Or, c'est cette philosophiequi a régné, si non exclusivement, du moins principalementau xvnr° siècle. Les raisons, s’il le fallait, en seraient faciles à donner ; indépendamment des hommes mêmes qui en furent les premiers pères, les auteurs , les promoteurs , ou les actifs propagateurs , il y en a des causes générales que je n'ai pas à développer, que je veux seulement indiquer : en premier lieu, l'état des mœurs de plus en plus relächées ; en second lieu, celui des croyances qui ne s'étaient guère mieux maintenues ; en troisième lieu, les passions politiques, hostiles aux pouvoirs établis, mais plus particulièrement au clergé, qu'elles attaquaient dans sa doctrine pour l’atteindre dans sa force; enfin, le dirai-je aussi, le cartésianisme lui-même, non pas certes, directement, et par ce qu'il avait de solide et d’excellent, mais indirectement, et par ce qu'il avait d'insuffi-