Mirabeau et Tacite

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MIRABEAU ET TACITE

N parcourant les Lettres originales de Mirabeau, écrites au donjon de Vincennes (1) j'avais remarquéque,parmi les travaux faits par Mirabeau au cours de sa captivité,

se trouvait une traduction de Tacite, inconnue jusqu'à ce

jour. Les passages suivants de ses lettres avaient particulièrement attiré mon attention. « Auriez-vous le temps — écrivait

Mirabeau à son ami Dupont, le 25 mai 1779 —de jeter les yeux sur,

quelque chose d’une traduction de Tacite (4 Vie d'Agricola par

exemple)? Vous me diriez si cela vautla peine que je m'applique

à un assez grand travail que j'ai ébauché sur cet écrivain

sublime”? J'ai bien peur que ma passion pour lui ne m'ait paru

trop légèrement une vocation pour le traduire ; mais Je pourrais croire aussi que mon enthousiasme pour ce grand homme ne me rendit trop sévère pour ma traduction qui, à génie égal (eh!

bon Dieu! quelle distance!) devrait encore être très inférieure à

l'original, vu la différence des langues et le désavantage immense

d’avoir à exprimer les idées d’un autre... » (2). Quelques mois après, le 4 novembre, Mirabeau se plaignait à Sophie de Monnier de la rupture de ses relations avec Dupont. « Si dans peu de jours, disait-il, il ne nv’écrit pas, je lui écrirai une lettre honnête, mais froide, pour lui dire que mes amis me conseillent de retirer mes lettres à mon tour, puisqu'il a demandé les siennes, et que je le prie de me renvoyer une Vie d'Agricola que j'ai traduite de

Tacite et que je lui ai confiée. » (3).

Le père de Mirabeau connaissait les occupations littéraires de son fils à Vincennes et il s’en exprimait avec son dédain habituel : « Ce monsieur traduit Tacite dans sa prison, à ce qu’on m'a dit! » L'égoïste amer, qui s'était superbement donné le nom de l’Ami des Hommes, n'avait pas assez de mépris pour «un monsieur » qui traduisait du latin. A ce sujet, Lucas de Montigny, le fils adoptif de Mirabeau, a dit dans ses Mémoires : « Parmi

(1) Publiées par P. Manuel, 4 vol. in-S°, 1792. (2) Lettres, Tome III. (3) Tome IV.

1898. — 15 Juiczer.