Mirabeau et Tacite

134 LA REVUE DES REVUES

cription des violences et des atrocités impériales, des exils et des massacres, ce brûlement des œuvres du génie en plein Forum, comme s'il eût été possible d’étouffer dans les flammes la voix d’un peuple et la conscience de l'humanité ; ce récit de la longue patience des Romains qui allaient jusqu'au bout de la servitude, n'osant ni parler, ni même entendre, et réduits à faire semblant de ne se souvenir de rien? Comment ne pas être attendri par cette péroraison sublime où Tacite montre une sérénité, une résignation, une espérance admirables et s'élève si audessus des sentiments ordinaires de l'humanité ?

Avec la Révolution francaise, Tacite était devenu tout à coup un peintre d’une sombre et cruelle réalité (1). Les faiblesses et les vertus de Louis XVI, les eifroyables malheurs dont lui et les siens furent victimes, les divisions et les colères des partis, les fureurs des Jacobins, les proscriptions, les égorgements, les échafauds, les horreurs de la gnerre civile, tout semblait revivre dans les pages ardentes de l'historien romain. Puis après les terribles agitations de l'époque révolutionnaire, le dictateur et la complaisance servile d’un Sénat allaient reparaître comme autrefois.

Aussi m'a t-il semblé fort intéressant de sortir de l'ombre la préface et la traduction de la Vie d'Agricola écrites par le plus grand orateur de la Révolution et de rapprocher un instant, ce qui ne surprendra personne, Tacite de Mirabeau.

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