Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

PRÉCIS APOLOGÉTIQUE 285

vrai de dire qu’il précipita fort sa dénonciation. Peutêtre que Chabot avait de son côté tout autant de peur que Delaunay d’être découvert, et que je ne fusse bientôt instruit de la supposition du décret, soit par l'impression, soit par les enquêtes de Delaunay. La situation réciproque de ces deux hommes était fort critique, fort embarrassante et fort singulière : c'est à eux à expliquer dans quels rapports, ou périlleux ou coupables, ils en ont éprouvé les effets, et voulu esquiver ou dévoiler les résultats ; mais de toute manière, Chabot a un tort très grave, c’esi d’avoir, je le redis, fait accroire à Delaunay qu’il m'avait proposé et fait accepter les 100.000 francs. Il n'a pu vouloir lui persuader cette imposture, que pour l’autoriser à la supposition du décret dont il me déclarait par là complice à Delaunay : action, je le déclare, non seulement sans délicatesse, mais honteuse, mais bien digne d’autres noms. Sans cela, Delaunay surtout, d’après mes corrections obstinées, faites au crayon, Delaunay n’eût jamais osé, non seulement supposer un décret, mais insister même pour faire passer un projet totalement dans son sens, en mon absence : bien sûr qu'il était que je l'aurais tôt ou tard fait rapporter.

Il est maintenant bien aisé de voir que cette preuve matérielle de 100.000 francs, dont on s’est servi contre moi à la Convention, est une preuve évidente de ma loyauté et de ma bonne foi; puisque mon opposition aux instructions de Delaunay formait un tel obstacle aux malversateurs, et tellement utile à la nation, qu’on voulait en acheter la destruction 100.000 francs. Il serait absurde de dire que j'aurais participé gratuitement à une action honteuse, lorsqu'on voulait la payer si bien. Le propre d’une action de cette nature est d’être payée.

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