Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine
SUR L'APPEL AU PEUPLE 49
Mais la majorité de chacune de ces fractions composées de six mille volontés partielles ne devient-elle pas la volonté générale ? Non, car la volonté des individus de tel département, agissant sans l’action et la réaction des pensées des autres votants de l'Etat, ces individus ne peuvent avoir modifié ni rectifié leurs idées et leur volonté selon l'intérêt général.
Est-il donc nécessaire, pour avoir immédiatement la volonté générale d’un peuple, que la judiciaire et la conscience de chaque individu délibérant, soient éclairées par la masse de celles de tous les individus délibérants ? Oui ; car sans ce principe, vous isolez l'esprit du délibérant qui ne doit être qu'une portion agrégative de l'esprit général. Là où iln'y a que des idées isolées, il n’y a plus d'idée nationale, plus d'idée générale.
Sans ce principe, il faudrait supposer à tous les individus délibérants la perfection du jugement, une rectitude inébranlable, la science absolue des intérêts politiques de la société ; il faudrait supposer encore
tous ces individus dégagés de tout préjugé, inacces-
sibles à tout intérêt particulier, à toute influence de localité : il faudrait enfin leur supposer le don de la plus parfaite vertu, de la plus saine raison, le don de toutes les lumières et l'absence de toutes passions ; or c’est ce qui n'est pas; donc la supposition est impossible. Si le vœu de la majorité réelle d’un corps politique délibérant pouvait se composer de volontés isolées, produites par des raisonnements incommuniqués, il n’y aurait rien de plus superflu et de plus absurde que les discussions et les consultations dans les assemblées délibérantes; il suffirait d'avancer une
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