Orateurs et tribuns 1789-1794

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vérité, si elle était règle infaillible du mensonge. Mais étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité ; elle marque du même caractère le vrai et le faux. » Non content de dogmatiser, Vaublanc invoque le témoignage de l’histoire, remarque que, trois fois en trente ans, l'Angleterre a changé de religion par la volonté d'un roi et de deux reines ; qu'après la bataille de Poitiers, les trois ordres des états, le peuple et ses chefs étaient unis contre le dauphin par une même opinion; celui-ci prend la résolution de sortir de sa sujétion, assemble le peuple, lui parle, le persuade, l'opinion est changée; mais les factieux reviennent à la charge, ébranlent le peuple : nouveau changement dans l'opinion, manifesté par l’adhésion des provinces, la délivrance d'Henri de Navarre, le massacre de deux maréchaux dans les bras du dauphin. Mais ce prince sort de Paris, se rend à Senlis, assemble les états, tout se déclare en sa faveur; il a une armée, une opinion pour lui, et menace la capitale. Tout change à Paris, Étienne Marcel est massacré, le dauphin reçu avec un enthousiasme indicible et on appelle cet enthousiasme l'opinion publique. Il a modifié l'opinion par sa fermeté. Louis XVI dont la situation, avant le mois d'octobre 89, était infiniment moins critique, succombe sous l'opinion parce qu'il a gouverné contre sa propre autorité. Conclusion : il n’y a point d'opinion publique, tout dépend de la conduite de celui qui gouverne,