Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA DROITE. 89

E pur si muove. Il y à une opinion publique, elle fait les mœurs et les mœurs la font; elle pétrit les événements et les événements la façonnent, elle est tantôt avec et tantôt confre la raison, tantôt avec le suffrage universel et tantôt avec le suffrage restreint, mystérieuse dans ses origines, soudaine dans ses explosions, protéenne dans ses manifestations, parfois servante de la philosophie et parfois esclave de l'instinct, pleine d'énigmes comme le sphinx antique, désespoir des penseurs, des politiques qui cherchent à la séduire. Ou plutôt ne se compose-t-elle pas d’un certain nombre d'opinions rivales qui vivent dans un état de lutte, soulevées les unes contre les autres par la fluctuation éternelle des idées humaines, et triomphant à tour de rôle, Et certains hommes ne contiennent-ils pas une grande puissance d'opinion publique, ceux que leur génie ou la tradition a investis de la confiance des peuples ? Voltaire, Jean-Jacques, Pierre le Grand n'ont-ils pas été de merveilleux fabricants d'opinion, et des hommes d’État comme Cavour et Bismarck ignorent-ils les moyens de la diriger ? « Comptez-vous avec l’opinion publique, demandait-on à un politique? — C'est moi qui la fais, » répondit-il tranquillement. Mais lorsque le respect a disparu, lorsque les grands hommes, ces chênes des forêts humaines, ne poussent plus dans un pays, l'opinion publique, comme une boussole affolée, s'agite éperdument, poussée par une sorte ‘de fatalité, ballottée par le hasard et