Orateurs et tribuns 1789-1794

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de la résignation. Pour l’acquit de leur conscience, ils essayèrent de rétablir la garde nationale, et Pumas, orateur militaire apprécié, prononça à cette occasion un discours prophétique où il déclarait que le Directoire allait commettre un suicide et perdre la République. Et comme madame de Staël, à propos de cette oraison funèbre, le félicitait ironiquement d’avoir fait beaucoup de poussière ; « Pas beaucoup, reprit-il, mais encore cela vaut-il mieux que de faire de la boue. »

Les grands hommes modérés sont rares. En vain ces politiques bien intentionnés entendent-ils les hurlements des clubistes proclamant qu'il faut « venger le peuple à domicile »; en vain, le 15 fructidor, Dumas rencontre-t-il un de ces aimables sceptiques, qui, mêlés à toutes les sociétés, ne veulent jamais d'autre rôle que celui de spectateurs : celui-ci le met en garde, il a surpris chez Barras une discussion où l'on a agité s’il fallait laisser égorger quarante membres des deux conseils, ou les déporter à Cayenne. Le général avait fait avec honneur la guerre de l'Indépendance des États-Unis; l'empire, la restauration devaient mettre à profit ses talents militaires, mais il n'a pas la stratégie de la guerre civile, le sens des journées révolutionnaires ; il lui manque le génie de ces minutes fatidiques, qui, à certains moments de notre histoire, valent des années; de cette politique du succès quand même, qui ne regarde pas aux MmOyCns, qui défend la légalité par la violence et parfois sauve tout un peuple