Orateurs et tribuns 1789-1794

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grandes passions. Il avaitun esprit d'ordre qui éclatait jusque dans les moindres choses. Il tenait à ce que la musique qu’il copiait ne contint pas une seule faute et, plutôt que de gratter, il recommençait la page. Il refaisait de même un billet qui ne lui aurait pas paru assez correctement écrit. « Il est sans doute un de nos meilleurs écrivains et il n'écrivait pas facilement; ses manuscrits sont couverts de ratures. »

L'élève de Jean-Jacques lui garda toute sa vie son admiration, et il dut éprouver quelque surprise des paroles du premier consul dans une visite que fit ce dernier à Ermenonville en l’an IX. On avait commencé par lui donner le spectacle de la chasse aux lapins : mais une partie de ces lapins, moins sauvages que les autres, étaient si curieux de contempler le héros de l'armée d'Italie que, loin de fuir, ils accouraient se grouper autour de lui. En entrant au château, on trouva madame Bonaparte qui s'était mise à table sans attendre son mari. Celui-ci fronça le sourcil et murmura : «Il paraît que les femmes commandent ici ». Après le repas, il visita les jardins. Arrivé dans l’île des Peupliers : « Il aurait mieux valu, dit-il, pour le repos de la France que cet homme n’eût pas existé. — Et pourquoi, citoyen Consul, demanda Stanislas? — C’est lui qui a préparé la Révolution française. — Je croyais, citoyen Consul, que ce n’était pas à vous à vous plaindre de la révolution. — Eh bien, l’avenir apprendra s’il n’eût pas mieux valu, pour le repos de la terre, que ni Rousseau ni moi