Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA DROITE. 139

monsieur, je ne le lui donnerai pas; que voulez-vous? Les rois sont hommes; ils ont leurs faiblesses; et si la mienne était justement d'empêcher que la nomination de Masséna ne réveillât ce souvenir? — Eh bien, sire, si vous ne nommez pas Masséna, savez-vous comment on appellera votre ordre? L'Ordre de l'Ingratitude. » Le roi sourit et Masséna fut nommé! Le même Joseph, devenu roi d'Espagne, ayant eu, dans sa première proclamation, la fantaisie de se donner tous les titres qui précédaient le nom de Charles-Quint : « Je ne croyais pas, remarqua Girardin, avoir autant de compliments à faire à Votre Majesté, et il me paraît fort prudent à vous de prendre à la fois tant de couronnes, parce que toutes ne viendront pas sans doute à vous manquer. » Joseph lui ayant dit que l’empereur voulait qu’il restàt un an en Espagne, Girardin qui désirait rentrer en France, répondit hardiment : « Les menaces m'irritent et ne m'épouvantent pas. L’empereur peut ne pas m'employer, il peut me faire emprisonner, me faire fusiller; il peut enfin tout ce que la force peut contre la faiblesse; mais qu'il sache bien aussi que l’homme qui ne craint pas la mort ne craint pas sa puissance. » L’admirateur de l’Émile reparaissait parfois sous le masque du courtisan.

Sous la restauration, Girardin se distingue par l’ardeur d’une opposition intempérante, tumultueuse. On eût dit qu'il avait oublié la Terreur, l'empire, que tant ct de si redoutables expériences avaient passé