Orateurs et tribuns 1789-1794

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inaperçues ; de prime saut il rétrograde jusqu’en 1789, se cuirasse de ses convictions d'antan et les mène à l'assaut. Tout lui est prétexte, tout devient matière à ses sarcasmes, à ses saillies : projets du ministère, projets de l’opposition, conspirations et pétitions, doctrines et principes monarchiques, il semble la mouche du coche constitutionnel. Lui si sage, si courageux en 4792, si bien apprivoisé sous Napoléon, il ne se croit jamais assez agressif contre ce gouvernement de Louis XVIII qui voulait royaliser la nation et nationaliser la royauté, qui introduisait en France ces trois inconnus : la liberté, le crédit, la paix.

Les ministres sans portefeuille, il les traite de ministres amateurs, de ministres à la suite; les préfets, il les appelle des espèces de voyageurs qui ne restent qu’un an ou deux dans le même poste; les missionnaires sont les contrebandiers de l'Église. Quant à l'Espagne, soulevée contre Ferdinand VIL, il la trouve héroïque, et prédit que la France aura bientôt un régime constitutionnel comme la Turquie a un gouvernement représentatif. Sa tenue hostile, ses coups de boutoir à la tribune faisaient dire à ses adversaires : « L'Émile est bien mal élevé ». L'Émile avait la riposte dure et prompte, le goût de la myslification. Un jour par exemple, il lit un discours sur la liberté de la presse, et répond aux murmures du côté droit : « J’ose croire que mes arguments sont à vos yeux sans réplique; j'ose même dire que j'ai été fort éloquent; mais, comme