Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 53

et voulait qu’on rendit l'homme respectable à l’homme». La Terreur, le régicide, la guillotine sans épithète et la guillotine sèche allaient pendant huit ans infliger un terrible démenti à ses espérances, à cette politique de l’âge d'or : la loi d’ironie, la loi de Hobbes, la politique de fer triomphaient sur toute la ligne ; de même que certains fous raisonnent faussement sur des prémisses folles, le peuple se ruait d’un crime dans d’autres crimes sans liaison avec les premiers. Mais ce qui excuse et peut-être absout les hommes comme Duport et Barnave, c’est le spectacle des abus des monarchies absolues, c’est cette réflexion de Fox écrivant en 92 à lord Holland : « Tandis que les Français font tout ce qu'ils peuvent pour rendre le nom de la liberté odieux, les despotes se conduisent de manière à montrer que la tyrannie est pire », — c’est que les hommes politiques de la vieille Europe ne sont plus, selon le mot de Mallet du Pan, que des marionnettes de papier mâché ; qu'ils violent effrontément le droit des gens, l'équité, se coalisent contre les faibles pour les dévorer; c'est qu'il faut, pour pratiquer la tolérance et l’impartialité, faire la part des circonstances, voir ces hommes dans leur jour véritable, aux prises avec des événements inouïs qui n’offraient aucun terme de comparaison, errant pour ainsi dire sans boussole à travers un chaos, portés naturellement à agrandir le domaine de la liberté, parce qu'avant 89, on avait étendu démesurément le domaine du pouvoir.