Orateurs et tribuns 1789-1794

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l’échafaud, Barnave pensait à sa mère et adressait à ses sœurs cette lettre toute cornélienne : « C’est ma mère qui doit élever vos garçons. Elle leur communiquera cette âme courageuse et franche qui fait des hommes, et qui avait élé, pour mon frère et pour moi, plus que tout le reste de notre éducation’. »

A dix-sept ans, ;l se bat pour son frère et reçoit un coup d'épée à deux lignes du cœur; sans négliger le monde où l'agrément de sa conversation le fait rechercher par les familles les plus distinguées de Grenoble, il se livre à d'immenses lectures, entre au barreau par déférence pour son père et se trace à lui-même sa règle de conduite : « En faisant bien mon état, en saisissant son esprit pratique, j'aurai soin de ne pas laisser ravaler mon goût, mes idées, non plus que mon caractère et mes mœurs. » Après chaque plaidoirie, il s’érige en censeur de lui-même; un jour, par exemple, il écrit sur ses Tablettes: « Trop de longueurs, surtout dans les moyens ; il fallait les traiter avec précision, simplicité,

1. Très jeune encore, il donne à ses sœurs de malicieux conseils, se pose vis-à-vis d'elles en disciple du bonhomme Chrysale : « Jeunes filles, ne perdez jamais la mémoire des maximes de vertu que mes leçons et mon exemple ont dû vous inculquer. Soyez résignées, aimez la tranquillité, la retraite. Préférez ouvertement le cloître au monde. Brodez les vestes avec soin, apprenez à faire supérieurement les chemises, et je vous promets le bonheur sur la terre et dans le ciel.» Et Barnave n'a pas si grand tort, car, au bout du compte, la plupart des hommes ne demandent que trois choses aux femmes : être jolies, savoir faire la cuisine et bien les écouter.