Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 67

libres, il faut encore savoir l'être. Dès que le gouvernement est établi, que la constitution est garantie, il n'y a plus qu'un même intérêt pour ceux qui vivent de leur propriété ou d'un travail honnête. C’est alors que l'on distingue ceux qui veulent un gouvernement stable d'avec ceux qui ne veulent que révolution et changement, parce qu'ils grandissent dans le trouble, comme les insectes dans la corruption. » De telles paroles tombant comme une épée sur les Jacobins, étaient un passeport pour la guillotine.

Ailleurs il montre les peuples désirant d'une inégale ardeur ces deux immenses bienfaits, la tranquillité et Ja liberté : « Pour le commun des hommes la tranquillité est plus nécessaire que la liberté; pour le commun des hommes, la tranquillité est le premier besoin, la liberté politique n'est qu’un superflu qui fait le bonheur, mais qui n’est pas rigoureusement nécessaire. Si vous ne les mariez pas ensemble, vous les rendrez incompatibles. Si vous présentez à la nation la perte de la tranquillité dans l'établissement de la liberté, craignez de voir bientôt cette majorité détruire la liberté plutôt que de se condamner à un état perpétuel d’agitation et d'incertitude. »

Malouet nous a transmis une curieuse conversation qu’il eut avec Barnave, venu à résipiscence, décidé à enrayer, à distribuer au peuple ce pain empoisonné qu'il dénonçait naguère : « J'ai dû vous paraître bien jeune, me dit-il, mais je vous assure que j'ai beaucoup