Orateurs et tribuns 1789-1794

L'ESPRIT DES ORATEURS DE LA CONSTITUANTE. 73

tation serrée, où parfois éclatent les accents d'une éloquence impétueuse ; 8e sachant condamné d'avance, il lutta jusqu'au bout pour l’honneur, pour la gloire de son nom, ét, lorsqu’en sortant du tribunal, il vit sur son passage Camille Desmoulins pleurant à chaudes Jarmes : « Camille, dit-il, tu ne m'en veux pas; nous avons, dès le commencement, défendu la même cause ; je fais des vœux sincères pour que tu n’en sois pas la victime comme moi. » Vœux stériles! La Révolution ne laissait ni à ses amis ni à ses ennemis le temps de vicillir: il semble que, poussés par l’inexorable fatalité de la guillotine, tous s'efforcent de décupler par l’action les courtes saisons qu’elle leur concédait, de vivre

nave: les juges devant lesquels il comparaissait n'étaient point des juges, le tribunal n'était pas un tribunal, leurs sentences n'étaient que des assassinats, et les victimes ne leur devaient pas plus la vérité qu'un voyageur surpris par des brigands dans une forêt n'est tenu de leur révéler le lieu où il a caché son argent. Madame Campan rapporte au contraire que Barnave voulut prendre congé de la reine avant de quitter Paris en 1792 : « Vos malheurs, Madame, lui dit-il, et ceux que je prévois pour la France m'avaient décidé à me dévouer pour vous servir. Je vois que mes avis ne répondent pas aux vues de Votre Majesté. J’augure peu de succès du plan que l’on vous fait suivre. Vous serez perdue avant que les secours parviennent à vous. Bien sûr de payer de ma tête l'intérêt que vos malheurs m'ont inspié, je demande pour toute récompense l'honneur de baiser votre main. » La main auguste lui fut tendue avec une émotion profonde. La reine sentait qu'elle perdait une chance d’être sauvée, Barnave perdait toutes ses chances de la servir,