Orateurs et tribuns 1789-1794

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beaucoup Montaigne, Retz, Pascal, s'inspire de Montesquieu qu’il cite avec à-propos. Un jour, après une de ses meilleures improvisations, un député lui dit: « Vous avez appris par cœur. — Non, point par cœur, répondil, mais par tête, car j'ai lout cela dans ma tête depuis trente ans. » Voilà, selon lui, le secret de l’orateur, il réfléchit avant de parler, et les idées amènent naturel lement les expressions. L’improvisation ne consiste pas à parler sans connaissance antérieure et sur-le-champ d’une chose qu’on ne connaît point: les Républiques antiques méprisaient ces sophistes qui parlaient de la sorie, et l’on sait cette observation d'Annibal au sujet d’un de ces rhéteurs qui venait de disserter devant lui sur l’art militaire : « J’ai vu bien des fous dans ma vie, mais je n'avais pas encore rencontré un homme aussi insensé!. »

Vaublanc préconise donc l'improvisation des paroles, non celle des idées, et, en même temps, il s'élève avec force contre les discours écrits, contre cette innovation qui permettait de fatre des livres à la tribune, de se livrer aux écarts d’une déraison sentencieuse, au luxe intempérant des grandes phrases empanachées. Tous les discours de métaphysique qui ont sapé les principes

1. Comme ministre de l'intérieur, Vaublanc concourut à cette épuration de l’Institut en vertu de laquelle Étienne, Arnault, Garat, Grégoire, le due de Bassano, etc., furent rayés de la liste des académiciens. Cette proscription lui valut le surnom de Maupeou littéraire,