Portalis : sa vie, et ses oeuvres

96 _ PORTALIS leurs fausses démarches que la trahison ; ils voulaient que, sans s’émouvoir de leurs bravades, le Directoire suivit d’un pas ferme la voie constitutionnelle et se bornât à repousser la force par la force, si les royalistes étaient assez insensés pour faire appel aux armes. Barras, La Reveillère et Rewbell étaient d’un avis entièrement opposé. Ils n’entendaient pas subordonner leur politique à celle des électeurs. Irrités et alarmés du résultat du scrutin, redoutant le triomphe des modérés autant que celui des royalistes, ils voulaient, par tous les moyens, étouffer l'opinion publique. Une crise violente était loin de les effrayer : appuyés sur les armées et sur la populace de Paris, ils préféraient l’emploi de la force à l’action des lois. Le projet d’un coup d'État était arrêté dans leur esprit, et tout en laissait pressentir la prochaine exécution. Des mouvements militaires à peine dissimulés amenaient des troupes à proximité de Paris; Hoche y faisait une apparition courte, mais significative; les armées envoyaient au Directoire des adresses où les Conseils étaient menacés, et le Directoire publiait ces adrésses. Les patriotes des faubourgs s’agitaient ; le salon de M° de Staël, cénacle d'hommes d’État sans scrupules et de publicistes ambitieux, tels que Talleyrand et Benjamin Constant, se transformait en un cercle soi-disant constitutionnel, qui conseillait au gouvernement un acte de violence contre le Corps législatif.

Ainsi, la crise était imminente, et les vrais constitutionnels, qui siégeaient au Conseil des Anciens, voyaient avec douleur compromettre le résultat de