Portalis : sa vie, et ses oeuvres

EN EXIL 14 vasion du sensualisme et revendiqué avec fermeté les droits de l’intelligence; mais il lui reproche de ne combattre une exagération que pour tomber dans une autre. En effet, si Condillac abaisse la personnalité humaine en écartant arbitrairement le plus noble des éléments qui la composent, Kant, à son tour, la mutile en brisant le lien mystérieux et admirable qui maintient, en nous, une intime union et une constante pondération entre le corps et l’âme, entre la matière et l'esprit. Là où Dieu a réuni deux mondes différents et ordonné que chacun d’eux exerçât sur l’autre une influence réciproque, Kant voit et proclame une séparation radicale. Il n’admet pas que, dans une hypothèse quelconque, les idées naissent des sens; la sensation, selon lui, se borne à réveiller l’idée; mais l’idée préexiste : nulle expérience n’influe sur elle, nulle observation ne la modifie. Le monde de l’esprit est hors de la portée des sens, de même que le monde sensible est inaccessible à l’esprit; et, si la raison pure peut seule expliquer la génération des idées, elle est déclarée inhabile à connaître du monde extérieur. Ses jugements n'ont rien de réel et de vivant ; nés de conceptions purement abstraites, ils n’ont que la valeur d’une abstraction et leur autorité n’est admise que dans l’ordre moral.

Portalis n’a pas de peine à déméler, à travers les subtilités de ce système, la confusion que fait le philosophe de Kœnigsberg entre l’entendement et lesidées; il s'attache, en outre, à prouver que, placé entre ses aspirations morales et ses théories métaphysiques,