Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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son intelligence souveraine. Or, l'intelligence suppose l'être et la vie ; l’idée du juste et de l’injuste vit donc, ou plutôt elle réside dans un être souverainement intelligent, possédant la plénitude de la vie, éternel, immuable, absolument juste, partout présent et maïtre des cœurs comme des esprits : cet être, l’univers l’appelle Dieu.

Dieu existe, car le mal moral} ici-bas appelle une réparation suprême. Une proposition de ce genre ne se démontre pas; elle s'affirme et se maintient, contre tous les sophismes, par l’unanimité du genre humain. Les théories du sceptique et de l’athée ne tiennent pas contre l'autorité des faits. Quand l’homme se trouve seul en face de la douleur imméritée, de l’abandon et de la mort, quand une nation est tombée sous les pieds de ses ennemis, le cri déchirant de son désespoir domine les négations décevantes des faux savants : les yeux de l’innocent opprimé s'élèvent d'eux-mêmes vers le ciel et sa voix en appelle avec confiance des sentences humaines à l’infaillible tribunal de l'autre vie. Qu'on ne dise pas que ce sentiment est le résultat de l'éducation, la conséquence des idées dominantes : on le retrouve partout et dans tous les temps; chez tous les hommes, on constate la même idée du jusie, comme le même instinct chez les animaux, et, partout, ce glorieux privilége de notre nature a pour conséquence la croyance à la vie future et à un juge divin. Les sophistes peuvent épuiser leur éloquence; ils ne persuaderont jamais que le même néani absorbe l’homme de bien et le méchant; ils ne feront pas ad-