Portalis : sa vie, et ses oeuvres

EN EXIL 139 mettre qu'après avoir passé leur vie, l’un dans la fange et le sang, l’autre dans la pratique austère des plus hautes vertus, après avoir succombé, l’un à ses propres excès, l’autre à l’ardeur de son héroïsme, Néron et Socrate, Épictète et Tibère, Henri VIIL et Jeanne Darc, Louis XV et saint Vincent de Paul ne soient plus qu’un peu de cendre, et qu’il n’y ait ni châtiment pour l'un, ni récompense pour l’autre. Le théisme ne peut abolir la conscience, ni empêcher le genre humain de reconnaître un juge suprême, qui est Dieu.

Raison, conscience, amour, tout se réunit donc pour proclamer Dieu et nous élever jusqu’à lui. Aussi la foi du monde n’a-t-elle jamais varié : partout où existe une société, l’autel en est le centre et le cœur, et, au pied de cet autel, on ne rencontre pas seulement [4 foule inintelligente et superstitieuse, on y voit aussi les plus glorieux génies dont s’honore l'humanité. Rois, poëtes, artistes, philosophes, savants, plus ils sont grands, plus ils sont religieux. Qu'ils se nomment Charlemagne ou saint Louis, Michel-Ange ou Lesueur, Racine ou Milton, Newton ou Kepler, Biot onu Cuvier, Leibnitz ou Descartes, Cicéron ou Platon, ils savent d’où descend le souffle inspirateur, et, au fond de la nature qu'ils ont scrutée comme dans les replis du cœur humain qu’ils ont sondé, leur génie a reconnu l'empreinte d’une main divine. À ces voix puissantes se mêle le chœur éternel et innombrable des foules humaines, apportant devant Dieu leurs faiblesses et leurs larmes, leurs vœux et leurs espérances. Qui ne serait ému et entrainé par ce prodigieux accord ? Qui ne