Portalis : sa vie, et ses oeuvres

EN EXIL 139 copistes, ils se distinguent de leurs devanciers par l'emploi de leur vie et Le caractère de leur enseignement. Les philosophes antiques restaient, pour la plupart, indépendants les uns des autres et isolés de la société, 1ls se renfermaient dans la sphère de la spéculation scientifique, sans jamais attaquer l'autorité des prêtres païens, et, s’il leur arrivait de pénétrer auprès des grands, c'était, comme Platon à la cour de Denyset Solon chez Crésus, pour les étonner de leur impassibilité ou les rappeler, avec plus ou moins de prudence, au devoir méconnu. Toute autre a été la conduite des philosophes modernes. Instruits par les exemples de l’Église qu’ils combattaient, ils ont cherché dans l’association, dans la publicité constante, dans l'alliance avec le trône, les éléments de leurs forces et de leurs succès. De là, dès le xvri° siècle et surtout au xvinr, ces académies, ces sociétés littéraires où tant de vives intelligences réunissaient leurs lumières dans une” action commune et quelquefois s’asservissaient à un mot ordre; de là, cet esprit de corps qui domina peu à peu le monde des lettres, et qui, sans mettre fin à l’éternelle rivalité des écrivains, constitua, du moins, entre eux, une sorte de coalition permanente pour l'attaque comme pour la défense; de là, cette prodigieuse fécondité qui, servie par la presse, inonda l'Europe d'ouvrages populaires où l'attrait de la forme dissimulait l’énormité des sophismes ou la turpitude des doctrines; de là, enfin, cette immixtion dans les affaires politiques d'hommes sans expérience et sans responsabilité, plus désireux d’enflammer les esprits et