Portalis : sa vie, et ses oeuvres

160 PORTALIS d’ébranler la société que de résoudre les difficultés et de détourner les orages.

Au milieu de cette confusion d’idées et de doctrines, le xvuut siècle et la vieille société couraient étourdiment à une catastrophe. La frivolité des esprits et le relächement des mœurs dissimulaient, sous une apparence de gaieté légère et fine, les dangers croissants de la situation; la fronde littéraire consolait de l’absence de fronfdepolitique, la noblesse et le haut clergé se vengeaient ( de la perte du pouvoir en encourageant les té mérités politiques des écrivains; ils cherchaient à rompre la monotonie de la vie de cour en écoutant leurs séduisantes excentricités ou leurs hardiesses philosophiques. Sarcasmes, satires, blasphèmes, on pardonnait tout, pourvu que ce fût nouveau et divertissant; les souverains eux-mêmes partageaient l’engouement universel et payaient en or et même en adulations le suffrage des publicistes. On voyait des rois philosophes, n’ayant à la bouche que les mots de justice et de vertu, assassiner un peuple et s'en partager les dépouilles, et le plus illustre des écrivains mélait aux gémissements des vaincus les éclats de son rire railleur et insultant.

A partir de ce jour, la philosophie désertait sa mission : naguère encore protectrice des droits de la conscience humaine, elle abdiquait ce noble rôle et dégénérait en une école permanente d’indifférence et de corruption. La foule continuait cependant à suivre l'impulsion, par habitude et par instinct. Fascinée par le talent de ses auteurs favoris, elle n’apercevait pas