Portalis : sa vie, et ses oeuvres

EN EXIL 161

J’abime qui s’entrouvrait de plus en plus sous ses pas et où s’enfonçait chaque jour une des assises de l’édifice social.

Bientôt la crise éclata. On sentit alors, mais trop tard, que, pour affronter les secousses d’une révolution, il faut être armé de principes solides et soutenu par un ferme caractère. Or, depuis le milieu du xvirr siècle, la philosophie ne savait que détruire et désorganiser ; elle n'avait rien élevé à côté des ruines qu’elle avait faites, et la France, dévastée par les passions anarchiques, ressemblait à une ville démantelée ouverte à tous ses ennemis. L'histoire a dit quelles en furent les suites.

Portalis avait traversé cette douloureuse époque : il avait vu tomber les victimes, il avait failli partager leur sort, il savait combien est vrai le nom de Terreur qui caractérise ces temps funestes, et il nous en retrace | le lugubre tableau avec une vigueur et une concision dignes d’un historien antique.

En quelques pages, il rappelle le long enfantement de la Révolution, les premiers symptômes de désaffection se produisant au lendemain de la mort de Louis XIV et encourageant l’audace naissante des philosophes, l’affaiblissement rapide des mœurs et des caractères sous l'influence de la richesse et du luxe; il nous montre le Régent et sa cour donnant le signal d’une débauche sans frein ; la soif des plaisirs débordant de toutes parts et engendrant celle de l'argent; la justice vénale ; la noblesse salie par le contact des fnanciers et mendiant à Versailles, non plus, comme sous Louis XIV, un mot ou un regard du maitre, mais

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