Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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des mandats sur le trésor royal; les évêques étalant à la cour un faste scandaleux, pendant que le bas clergé se débattait contre la misère; le peuple écrasé d’impôts ; la dette publique augmentant sans cesse pour satisfaire les caprices ou l’avidité des maîtresses royales ; les Parlements factieux ou réduits au silence par l’exil ; la France divisée en deux camps ennemis et désolée par les barbaries exercées contre les protestants; nos armées engagées dans des guerres désastreuses, oubliant à Rosbach les vieilles gloires du xvn° siècle et se consolant par des chansons ; enfin, le mécontentement, de plus en plus vif et général, sans cesse excité par les railleries sanglantes des publicistes. Il explique comment, un jour, tous les griefs et toutes les plaintes éclatant à la fois, le sceptre fut brisé dans les mains les plus pures ; comment la nation, réunie pour se donner une constitution, ne trouva, ni dans le clergé, ni dans la noblesse, ni dans le Tiers-État, un point d'appui assez fort pour assurer le règne paisible de la loi; comment, provoquée par l'étranger, de toutes parts attaquée et partout victorieuse, la France oublia, dans l’enivrement de ses premiers triomphes, le soin de sa propre liberté et tomba sous le joug du despotisme le plus hideux dont l’histoire ait gardé le souvenir. On eut alors pour maître le plus cruel de tous, la peur; la tyrannie de la force, imposée par la tourbe des grandes villes, au nom des idées de liberté, reparut au cœur de l'Europe; l'anarchie devint une doctrine et le gouvernement, par le titre même qu ’il se donna, mit à l’ordre du jour la révolution permanente :

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