Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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science pure et l’on compromet d'avance l’autorité de ses conclusions. Ainsi, il eût mieux valu, ce semble, pour Portalis, réduire son livre aux proportions d’un ouvrage strictement philosophique, ne pas s'occuper de matières qui n’ont avec le sujet principal qu'un lien très-éloigné, et surtout s’abstenir de toute excursion sur le terrain de la polémique historique. Quelque remarquables que soient les chapitres consacrés à la Révolution française, quelque réserve que l’auteur essaie de garder au milieu de ses élans d’éloquente indignation, il était trop rapproché des événements pour les apprécier avec une suffisante sûreté de jugement. Nous lui reprocherons, notamment, d’avoir attribué au progrès des sciences physiques le développement du sensualisme et du matérialisme au xvrn siècle. On comprend qu’en présence du merveilleux essor de ces sciences, de l'invasion qu’elles firent alors de toutes parts et de l'engouement avec lequel philosophes, littérateurs, critiques et poëtes en célébraient les conquêtes ou en empruntaient la méthode, Portalis se soit exagéré leur influence; mais il serait injuste de faire peser exclusivement sur elles la responsabilité de doctrines qui étaient surtout l’expression des mœurs, et dont on trouverait plus sûrement l’origine dans la corruption fomentée par le despotisme et dans l'esprit de révolte né d’une longue tyrannie religieuse. Les dragonnades et les maîtresses de Louis XIV : voilà les causes principales du matérialisme et du scepticisme, pire encore que le matérialisme, qui secouent, dès l’avénement du Régent, le masque hypocrite sous lequel ils avaient