Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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cle'.I1 a fait, nous devons le dire, avec encore plus d'impartialité que Portalis, la part de l’éloge et du bläme dans son jugement sur l’œuvre des philosophes: à travers leurs petitesses et leurs erreurs, il a discerné leurs grandes pensées et leurs nobles tendances; malgré les divagations et les excès de leurs disciples, il n’a pas méconnu le sérieux progrès qu'ils ont fait accomplir à lesprit humain, en développant partout les idées de tolérance et de liberté; enfin, devançant les conclusions de la science historique contemporaine, il a dénoncé comme les véritables auteurs des excès commis péndant la Révolution, moins encore les sophistes qui excitaient à la haine de toutereligion, au méprisde toute autorité, que les coupables couronnés qui rendaient odieuses et la religion et la monarchie. Il eût été digne de Portalis de soutenir le premier la belle thèse développée depuis par M. de Barante. Il aurait pu se souvenir qu’il avait été, dans sa jeunesse, l’allié de Voltaire, lorsqu'il revendiquait, pour les protestants persécutés, la liberté de conscience et les droitsde citoyen; il aurait alors reconnu que, par la seule conquête de la tolérance religieuse, la philosophie avait racheté ses erreurs, si déplorables qu’elles fussent, et bien mérité de l'humanité. Il est regrettable, maisil est naturel que Portalis n’ait pas porté ce jugement ; témoin et victime de la Révolution, il ne pouvait guère, sous le Directoire et en exil, se montrer plus modéré qu’il ne l’a

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été.

1. Tableau de la littérature française au xvme siècle. Paris, 1822, 1 volume in-8.