Portalis : sa vie, et ses oeuvres

EN EXIL 177 Ces paroles n’ont pas besoin de commentaire; elles en ont un cependant. À côté des chefs d'école que nous venons d'entendre, d’inconscients émules se chargent de traduire ces théories en faits. Ce n’est plus alors par d’innocentes conjectures philosophiques lancées du haut d’une chaire ou imprimées dans un livre que se manifeste le matérialisme ; il a pour organes la voix des hommes d’État dans les assemblées politiques et le canon sur le champ de bataille; il se résume d’un mot : « La force prime le droit. » Ceux qui profèrent cette ‘parole sinistre savent l’appliquer, et, au point de vue de la philosophie matérialiste, ils sont logiques. En effet, comme on l’a dit avec autant de sens moral que de sens politique : « Le matéria» lisme, c’est l’irresponsabilité ; » et, s’il était vrai que l’Europe fût gagnée à l’odieuse doctrine de la force, il ne lui resterait plus qu’à s'incliner devant les guerres injustes, les spoliations, les déportations en masse et les partages de peuples. Mais la réalité est plus forte que tous les sophismes. Les nations qui acceptent les conséquences pratiques du matérialisme ne tardent pas à éprouver qu’il est une sanction à toutes les défaillances comme à toutes les usurpations : elles sentent alors que la première force d’un peuple est sa dignité morale, qu'aucun sacrifice ne doit coûter quand il s’agit de la conserver et qu’il n’y a pas de prospérité durable, là où l’on n’est pas résolu à empêcher la violation des principes de morale et de justice. En nous exprimant ainsi, nous n’éprouvons d’autre sentiment que celui d’un ardent amour pour notre

| E]