Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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aurait pu s'inquiéter du silence imposé aux assemblées par le Premier Consul ou lui reprocher l'acte de vigueur qu'il avait commis, aux applaudissements de la France et de l'Europe, contre un gouvernement impuissant, corrompu, honteux, qui s'était enlevé d’avance, par ses coups d'Etat répétés, le droit de se retrancher derrière la Constitution? Aujourd’hui, sans doute, instruits par l'expérience, nous savons que l’œuvre de la force porte en elle-même un germe de mort, etqu'un pouvoir qui ne cherche pas le contrôle des assemblées délibérantes se condamne infailliblement à des désastres, quelles que puissent être sa puissance et son habileté. L'histoire de Napoléon [® ne nous a que trop clairement démontré ces vérités, et l’enseignement qu'elle renferme est d'autant plus frappant que le génie de l'Empereur a été plus grand. Mais soyons justes pour Napoléon comme pour les hommes de son temps. Il n’a pas eu besoin de prendre le pouvoir absolu : la nation entière le lui a spontanément donné, par admiration, par reconnaissance, par une crainte trop justifiée des excès de la liberté, par ignorance ou par oubli des maux qu'engendre le despotisme. Nul, plus que lui, n’a régné par la volonté du peuple; on le poussait, pour ainsi dire, de toutes parts à l’autocratie, et il en devait être ainsi, car ce n’est pas au sortir de la tempête qu’on va, de nouveau, affronter les orages de la liberté. Rien, du reste, n’avertissait ni la nation ni le Premier Consul des dangers auxquels ils s’exposaient l’un et l'autre. Tout leur réussissait, et il semblait que Bonaparte voulût, chaque jour, justifier par de nouveaux