Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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menacée dans son existence, se redressant avec une énergie suprême, elle voulut montrer qu'aucune dignité, si haute qu’elle fût, ne pouvait faire fléchir sa justice, elle frappa le coupable jusque sur le trône, et, entraînée par le sentiment de sa propre puissance, elle osa se déclarer maîtresse de tous les royaumes, dispensatrice de toutes les couronnes, Elle outre-passait ainsi ses droits; mais elle sauvait l’Europe de la barbarie et donnait aux déchaînements de la force le seul frein qui pût les contenir. Les circonstances justifiaient donc sa résolution ; son seul tort fut d’ériger en principe absolu ce qui n’était qu'un acte exceptionnel et de transformer en loi la violation même de la loi.

Les empiétements de Boniface VIII sur le pouvoir laïque ne sauraient se défendre que comme représailles, et Portalis n’a pas de peine à réfuter les autres explications qui en avaient été données. Il prouve que, d’après les traditions de la primitive Église, la soumission au pouvoir établi est une obligation de conscience; il rappelle que, même après Grégoire VIT et Boniface VIIE, la majorité de l'Église est demeurée fidèle aux traditions des premiers chrétiens : il cite les paroles de saint Bernard; il invoque l’exemple peu probant, il est vrai, des Parlements sous Philippe le Bel ; il insiste avec plus de raison, sur celui du Sénat de Venise résistant aux injonctions du pape Paul V en matière purement temporelle; il ajoute, enfin, à ces différents témoignages celui de l'Église gallicane, proclamant en 1682, par la voix de Bossuet, la mutuelle indépendance des deux pouvoirs.