Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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80 PORTALIS seil des Anciens, le rapporteur, Baudin des Ardennes, proposa le rejet. Portalis, directement intéressé dans la question comme frère d’émigré, vint, après plusieurs autres orateurs, appuyer les conclusions du rapport. Il commença par démontrer, en quelques mots et d’une façon péremptoire, l’inconstitutionnalité de la loi du 3 brumaire; il rappela que, votée après Padoption de la constitution par le peuple, elle limitait arbitrairement le droit d'éligibilité des citoyens et supposait à la Convention un pouvoir constituant qu'elle ne posséda jamais et « qui réside dans le peuple seul. » Il aborda ensuite l'examen de la résolution elle-même : il nia qu'il fût possible de fonder une incapacité politique sur des actes couverts par l’amnistie, il prouva qu'en diseutant la résolution, les Conseils s’attribuaient le triple pouvoir de déroger à la constitution, de modifier les droits des citoyens, de rendre des décrets électoraux, et il proclama hautement l’incompétence absolue du pouvoir législatif en pareille matière :

« Partout, dit-il, où les circonstances donnent un » pareil droit, il n’y a plus ni constitution, ni gouver, nement. La constitution doit elle-même sauver le » peuple dans les grands dangers auxquels il peut être » exposé. Pour renverser l’ordre social, il ne faut que » des passions; pour maintenir un gouvernement éta» bli par la volonté du peuple, il faut respecter reli» gieusement les lois qui le constituent. Si nous COn»trevenons à ces principes fondamentaux, nous » détruisons la liberté elle-même !. »

1. Moniteur de l'an V, tome Ier, p 292. Séance du 11 frimaire.