Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL DES ANCIENS 81

Pour justifier le projet, on avait dit, dans la discussion, qu'il importait de prévenir les erreurs possibles des électeurs et de les mettre en garde contre les déelarations perfides de candidats qui se présenteraient à leurs suffrages en professant le respect le plus absolu pour la république, mais qui tiendraient, en réalité, par des liens étroits, au parti de la réaction; on avait soutenu que la direction des élections devait venir d'en haut et qu'il appartenait au pouvoir de donner l'impulsion à l'esprit public. Portalis relève avec vigueur cette dangereuse théorie, qui lui paraît contraire à l'essence même du régime républicain :

« Dans une monarchie, dit-il, la corruption des » mœurs descend rapidement d’un seul à plusieurs, et » de plusieurs à tous; dans une république, l'opinion » remonte et doit remonter sans cesse de tous à plu» sieurs, et de plusieurs aux magistrats suprêmes qui » tiennent les rênes du gouvernement. C’est elle qui » les avertit de leurs fautes, ou qui les récompense de » leurs vertus ; si l’on pouvait renverser cet ordre, on » renverserait en même temps la république !. »

Ces sages et viriles paroles ne furent pas écoutées. Les préventions et les haines implacables du parti conventionnel l’emportèrent. En approuvant la résolution ?, la majorité du Conseil des Anciens sanctionna encore une de ces illégalités qu’elle devait expier au 18 brumaire.

Sur la question de la contrainte par corps, qui vint

1. Moniteur de l'an V, tome Ier, page 294. Séance du 41 frimaire. 2. Par 106 voix contre 68.