Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL DES ANCIENS 83

des remboursements, Comment, dans cette. situation difficile, le prêteur commercial oserait-il risquer de tels intérêts, si la loi ne lui accordait des garanties exceptionnelles? Comment l’emprunteur sans fortune, qui a besoin, dès le début de ses opérations, d’inspirer la confiance, pourrait-il se procurer les ressources indispensables, si la loi lui défendait de donner le seul gage dont il dispose, sa personne? Le crédit, qui est l'âme du commerce, ne serait-il pas gravement atteint, le jour où la contrainte par corps disparaîtrait de nos codes?

Portalis ne se dissimulait pas, du reste, les abus que pouvait entraîner, dans la pratique, l'application de la contrainte par corps; mais il exhortait ses collègues à détourner leurs regards des misères individuelles que ferait naître l’emploi excessif de cette voie d’exécution et à considérer uniquement ce que conseillait l'intérêt général, ce qu’exigeait le bien public :

« Souvenons-nous qu'il n’est pas de pitié plus » cruelle que celle qui se laisse diriger par un senti» ment particulier de commisération, lorsqu'il s’agit » de soulager la peine générale et de dissiper les em» barras de tous. Il s’agit ici du commerce, de la » profession la plus orageuse, de celle qui a à com» battre tous les événements ; d’une profession dans » laquelle il faudrait, pour ainsi dire, enchaîner la » probité à l’homme, afin qu’ils fussent inséparables. » Ce n’est point le malheur particulier d’une famille » que nous devons craindre ; c’est qu’un fripon ne * cause la ruine de mille autres familles. Souvenons-