Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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» nousbien, au surplus, que la loi qui n’entretiendrait » pas l'opinion que la foi des engagements doit être » gardée, serait un loi barbare, une loi qui ruinerait » la confiance !. »

On ne pouvait motiver plus fortement le rétablissement de la contrainte par corps : une réplique très-vive et trèshabile de Dupont de Nemours n’empêcha pas le Conseil des Anciens de suivre l’avis de Portalis. Faut-il l’en blämer ? Faut-ilsau contraire, applaudir à ve résultat?

Si les arguments que nous venons d’analyser ou de reproduire ont une valeur qu’il serait puéril de méconnaître, d’autres considérations, non moins sérieuses, militent en faveur de la suppression de la contrainte par corps. Comment admettre, en effet, un mode de contrainte, qui, pour arriver au recouvrement d’une créance, réduit le débiteur à l’inaction, ruine sou crédit, désorganise son commerce et le met ainsi, presque toujours, dans l'impossibilité de se libérer? Si le défaut de paiement à échéance n’est qu’une négligence, une faute, et non un délit, comment le frapper d’une peine plus grave que celles qui atteignent la plupart des délits les mieux caractérisés? Et, si l’on va jusqu’à considérer le retard de payer comme un délit, pourquoi la punition de ce délit, qui offense, comme tout autre délit, la s0ciété, serait-elle laissée à la discrétion de l’emprunteur? Enfin, doit-on oublier que la peine retombera souvent sur la famille du débiteur plus que sur le débiteur lui-même? La loi est-elle humaine, est-elle morale, lorsqu'elle place, par exemple, la femme du commer-

1. Moniteur de l'an V, tome Ier, page 711. Séance du 23 venlôsc.