Portalis : sa vie, et ses oeuvres

88 PORTALIS

sur ce fondement solide, il fixe les limites que la puissance publique ne saurait franchir sans usurpation. La première vérité qui se dégage de cet examen est celle-ci :

« On ne peut contester à un être intelligent l’usage » de son esprit, de son jugement et de sa raison. Le » droit de communiquer à autrui ce que l’on pense et » ce que l’on sent, est attaché à la nature d’un être » sociable. Tout homme peut donc penser, parler, et » écrire librement 1, »

Portalis repousse, en conséquence, le système de la censure préalable, dont quelques esprits, alarmés des excès de la presse, demandaient le rétablissement. Revenant à l'expression d’une de ses plus fermes convictions, il maintient que la loi ne doit jamais présumer la culpabilité; qu’un gouvernement de suspicion est voué à la faiblesse et à la ruine ; qu'en s’attaquant aux droits des citoyens, on ne réussit qu’à faire preuve d’impuissance ; et qu’on renverserait, par la plus flagrante inconséquence, le principe même de toute société libre, si l’on prétendait limiter arbitrairement l'exercice de la pensée, c’est-à-dire de la première et de la plus précieuse de toutes les propriétés, alors qu’on ne conteste pas l'inviolabilité de la liberté individuelle et de la propriété privée. IL insiste sur l'impossibilité morale de la censure, il conteste à toute autorité humaine la domination des âmes. Il ne nie pas les abus

1. Moniteur de l'an V, tome II, page 905. Séance du 9 floréal.