Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL DES ANCIENS 89

inévitables auxquels donne lieu la libre action de la presse ; mais il reconnaît à la liberté le précieux privilége de guérir les blessures qu’elle fait, tandis que le système préventif, par sa seule existence, discrédite le bien qu’il se flatte d'encourager et double la puissance du mal qu’il ne peut empêcher.

Si Portalis est l'adversaire résolu de larbitraire, il ne combat pas avec moins de fermeté la liberté illimitée qu'un certain nombre de ses collègues auraient voulu faire prévaloir. La liberté illimitée ne lui semble possible que dans l’état de nature; il la juge incompatible avec l’état social. Dès que l’homme se rapproche de ses semblables et demande à Passociation la garantie de ses droits naturels, il s'engage à respecter chez les autres ce qu’il entend faire respecter en luimême, et, lorsqu'il manque à cet engagement, il est sujet aux peines établies par la société dans un intérêt général. Le droit de manifester sa pensée est sans doute inhérent à la nature humaine; mais n’en est-il pas ainsi de la liberté individuelle? Nul ne conteste cependant à la société le pouvoir et le devoir d’en réprimer les abus. Pourquoi lui refuserait-on cette même faculté, quand il s’agit des dangereuses erreurs et des déplorables excès de la presse?

Liberté sous la loi, telle est donc la maxime de Portalis. Elle inspire toute sa discussion sur le projet de Siméon: il repousse les expressions vagues qui pourraient livrer passage à l’arbitraire ; pour autoriser les poursuites, il n’admet pas qu’il sufise d’une simple imputation jugée offensante par la personne qui en est