Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
CONSTITUANTE. 13
vaient ce qu'avait dit d'Argenson, que la gestion des affaires domestiques n’est bien qu'entre les mains des citoyens. Mais M. Necker avait composé sur cet objetun mémoire qui n’était que pour le roi, et qui fut publié par ses ennemis :il y exposait lesabus de la finance, le régime oppressif des intendans, l’esprit de corps des parlemens. Mile ennemis se soulevèrent. DA de Maurepas, qui avait appelé M. Necker, ne le soutint plus. Alors, fatigué par mille dégoûts, celui-ci donna sa démission. Les vampires de l’état respirèrent; etla cour, débarrassée de ses craintes, vit partir avec une maligne joie celui que le peuple accompagnait de ses larmes, Utile encore dans sa retraite, il éclaira l'opinion ne pouvant plus gouverner l’état, et publia son célèbre ouvrage de ! Administration des finances. Ce livre fit plus de bien, peut-être, qu’une longue ét sage administration ; car il répandit les lumières dans tout le royaume, et fut le premier germe de la passion du bien public.
C'était déjà une question, si un homme était capable de gnérir les maux de l’état. Les étrangers, auxquels on a présenté notre révolution comme une étourderie d’un peuple inconstant, ne connaissent pasles plaies profondes donttout le corps politique étaitcouvert. Personne n’ignorait dans l’'Europeque, de tous les états qui la composent, le royaume de France était le plus mal gouverné. Mais cette idée, si vague lorsqu'elle ne frappe que de loin , ne pouvait qu’affecter vivement les peuples qui souffraient depuis si long-temps : la pensée que leurs maux étaient sans remède, et que nulle main humaine ne pouvait les guérir, ajoutait à la douleur générale: on se voyait plongédans un gouffre de dettes et d’engagemens publics, dont les intérêts seuls absorbaïent le tiers des revenus, et qui, bien loin de se liquider, s’accroissaient toujours par les empruns et par les anticipations. Les anticipations, qui n'étaient connues qu’en France, sont la science de se ruiner en mangeant à l’ayance ses revenus, comme un jeune homme insensé qui ne songe point à l'avenir. La France offrait sans doute de grandes ressources, mais c'était une douleur de plus de penser qu’elles étaient inutiles : car il aurait fallu commencer par des économies, afin d’en venir au moment où l’on aurait vécu de ses revenus. Mais la cour ne voulait point y entendre; le faste était devenu son nécessaire: on y croyait toujours que la magnificence de la cour est le caractère essentiel de la grandeur d’un peuple. Toutes les parties de l'administration étaient montées sur le même pied ; c’est-à-dire que tous les agens de l’autorité se croyaient obligés à faire de grandes dépenses: on eût dit des satrapes du grand roi. Le faste de la cour de Louis XIV n’avait été que parcimonie en comparaison de la prodigalité de celles de Louis XV et deLouis XVI. L’insouciance sur l'avenir