Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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redoute le calcul. Cette masse effrayante d'hommes occupait toute la France ; ils l'enchaînaient par mille liens : réunis , ils formaient la haute nation ; tout le reste était le peuple. C’est eux que l’on a vus depuis unir leurs voix et leurs clameurs contre l'assemblée nationale, parce qu'avec une audace et un courage sans exemple , elle a supprimé tous les abus qui compo= saient leur existence.
La réforme des finances était donc impossible à un seul homme ; on ne pouvait en essayer que l'administration , qui, dans la pénurie de l’état, n’était autre chose que l’art d’imaginer les ressources les moins alarmantes. M. Joly de Fleury , qui succéda à M. Necker, imagina les dix sous pour livre et quelques droits sur les entrées de Paris. M. d'Ormesson vint après, et n’apporta dans le ministère que des vertus inutiles, et l'estime générale qui le suivit en sortant, et qu'il a toujours conservée depuis. Enfin M. de Calonne fut appelé.
L'opinion publique n’était pas pour lui. Cependant cette classe d'hommes confians et faciles, qui ont besoin d’espérer et de se tromper, se flattaient que ce ministre nous tirerait du gouffre dans lequel nous étions près de tomber. Les esprits défians et clair-voyans prévirent qu’il perdrait la France. Cependant il s’annonça d’abord avec tant de jactance , qu’il éblouit tous les yeux. Personne ne réunissait plus d’audace à plus de talens; il avait, par-dessus tont, celui de plaire et de séduire : c'était encore un grand mérite en France, etsur-tout à la cour. Mais cette cour avide et intéressée ne voulait du ministre que des complaisances et des dons ; elle en fut servie au-delà peut-être de ses espérances. Toutes les demandes étaient accueillies; on n’entendait parler que de pensions et de gratifications. Il fit acheter au roi Rambouillet, et SaintCloud à la reine : il échangeait ou engageait les domaines de la couronne. Des emprunts suflisaient à tout ; et, promettant de nous liquider dans vingt ans, le ministre trouvait des ressources présentes dans nos espérances futures. Liquider les dettes des princes, payer d’avance les créanciers de l’état , encourager les entreprises utiles et brillantes; tels furent les moyens qu'employa ce génie facile pour entretenir le vertige. Jamais la cour n’a eu de plus beaux momens, car c'était elle qui retirait Le plus pur de lasubstance publique; aussi les fêtes et les prodigalités y surpassaient tout ce qu’on en peut dire. La cour s’amusait, et le peuple était ruiné. Mais il est dans les états emprunteurs , un régulateur secret, résultat des combipaisons de tous ceux qui spéculent sur les affaires, c’est le crédit public: il se compose de la confiance de chacun, il surveille Vadministration, pénètre ses intentions et devine ses pensées les plus secrètes. Or le crédit publicétait perdu. Les empruns,