Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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si faciles sous le ministère vertueux de M. Necker, ne pouvaient plus se remplir sous celui de M. de Calonne : les impôts ne pouvaient plus s’accroître ; et, touché de la situation des peuples, le roi prononça ce mot qui a déterminé l'époque de la révolution : Je ne veux plus ni impôts ni empruns.
Alors M. de Calonne, surchargé d’un fardeau énorme, chercha dans son esprit hardi et fécond les moyens dese tirer d’embarras et de maintenir son crédit. ILs’occupa secrètement, pendant plusieurs mois, à préparer des plans de réforme où quelques-unes des demandes du peuple étaient accordées et le clergé sacrifié, et à mettre en ordre des comptes où l’énormité du deficit retombait sur ses prédécesseurs. Ainsi sa gloire était sauvée; et il croyait s’en acquérir une nouvelle en persuadant à la nation qu’il était le régénérateur de la France.
Mais des projets qui véritablement étaient d’une assez vaste étendue ne pouvaient être déterminés par un ministre; il sentait d’ailleurs que, s’il les présentait seul et sans appui, il ne pourrait résister à la nuée d’ennemis que lui susciteraient ses réformes. Il imagina donc d’appu yer ses projets d’une manière de vœu national; et, ne voulant pas convoquer les états-généraux, dont l’idée seule l’effrayait, il s'arrêta à la pensée deconvoquer une assemblée de notables, et enfin il présenta ses vues au roi. Nous l’avons dit, Louis XVI a toujours désiré le bonheur du peuple. Il fut ébloui des réformes utiles que lui présentait le ministre; ils’en occupa même souvent avec lui , et prenait plaisir à untravail dont ce‘courtisan habile lui dérobait toutes les épines. Le roi regardait déjà l'assemblée desnotables comme la plus pure jouissance qui pût être offerte à son cœur ami du bien; il en ordonna enfin ia convocation.
On ne peut dépeindre la surprise de la nation à cette nouvelle inopinée, ni son indignation quand elle apprit l’énormité du deficit. Les maux de la France étaient sentis, mais ils n’avaient pas été calculés.
Les notables cependant se rassemblèrent. Le ministre, en leur présentant ses plans, lesleur donnacomme desordres auxquels ils n'avaient autre chose à faire qu'à se conformer. Il: avait cru, non sans quelque apparence, que des hommes titrés pour la plupart, ayant tous besoin de la cour , et d’une na= tion accoutumée à fléchir, ne reculeraient pas devant des ordres du roi, et qu’ils se tiendraient honorés de lagloire d’avoir représenté dans cette grande scène. Il comptait aussi sur l’influence du peuple, à qui la suppression de quelques impôts désastreux et l’humiliation du haut clergé ne pourraient manquer d’être agréables : il espérait par à même que les parlemens n’oseraient pas s'élever contre les impôts qu’ilproposait, de peur de perdre l'opinion publique, qui faisait toute leur
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