Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. 123

restaient muets ou qui gémissaient étaient condamnés, les uns à mourir, et les autres, liés à l’échafaud, à recevoir le sang...

Collot- d'Herbois s’indigna de ne pouvoir arracher ni plaintes ni soupirs à ce reste de héros qu’il égorgeait : assis sur le char de mort, ils s’embrassaient, auiant que leurs liens pouvaient le permettre ; ils répétaient d’une voix forte et touchante un refrain qui les avait souvent transportés du plus noble enthousiasme durent les jours du siége : Mourir pour la patrie , c'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie. On vit souvent les femmes des condamnés attendre l'heure où leurs époux seraient traînés à l’échafaud , se précipiter vers eux, s'asseoir sur le même char, les couvrir de leurs baisers, de leurs pleurs, et partager leur mort. Il y eut de jeunes filles qui, pour sauver leurs pères, consentirent à un sacrifice plus affreux que celui de la vie, et qui furent appelées, par les mêmes monstres dont elles avaient pu supporter les embrassemens, à venir voir expirer leurs pères : trait de férocité qui se trouve dans l’histoire de plusieurs proscriptions. Mais voici des horreurs qu'aucune proscription n'avait encore montrées.

«Je m’indigne, dit Collot-d'Herboiïs à ses satellites, de ce » que la vengeance de la patriesoït ainsi morneet silencieuse. » C’est à coups de foudre qu'elle doit frapper ses ennemis. »

La place des Brotteaux est disposée pour un nouveau genré de supplice. Soixante-neuf individus de tout sexe et de tout âge y sont conduits, attachés deux à deux. Collot-d’Herbois donne le signal. Il part une décharge de canons à mitraille : peu de victimes ont obtenu la mort. Les autres, déchirés, mutilés, poussent les plus lamentables cris. Des coups de fusils sont tirés sans interruption. Un grand nombre de ces malheureux ont recu de nouveiles blessures , mais pas encore la mort. Ils l'appellent de tout ce qu’il leur reste de force : Achevez-nous ! ah! par pitié, achevez-nous ! Des soldats, des soldats francais! Ah Dieu! s’élancent le sabre ou la baïonnette à la main,et,suivantque plusou moinsdepitié les inspire, ils donnent une mort plus ou moins sûre! Enfin il ne reste plus que des cadavres. Les cadavres sont encore l’objet de cette insatiable barbarie : ils ne seront point inhumés. On les jette dans le Rhône.

Et le lendemain Collot-d'Herboïs recommence. Il accroît et le nombre des condamnés et même la durée de cette épouvantable agonie. Ils étaient cent neuf. Un d’eux s’était échappé. Quand le carnage a fini, l’on compte cent dix cadavres. On avait attaché, par méprise, deux commissionnaires de la prison avec les prisonniers. Leur plaintes, leurs cris n’a-