Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
150 CONVENTION
Depuis le mois de germinal, chaque jour fut marqué, pour tous les prisonniers, par de nouvelles tortures. Les biens des suspects furent mis sous le séquestre. On les dépouilla de tout l'or et l’argent, et même des assignats qu'ils POuVaient avoir emportés avec eux; mille impudences révoltantes accompagnèrent cette recherche. Les meubles les plus nécessaires furent proscrits, comme des armes dangereuses, On fit manger les détenus à une table commune, dont la frugalité était le moindre inconvénient ; les jardins leur furent interdits. Ceux des geoliers qui avaient montré envers eux quelque humanité furent remplacés par des hommes féroces. À toute heure de la nuit, le sommeil était troublé par des porte-clefs qui feignaient le soupçon pour exercer toute leur barbarie.
Tant de fléaux n'étaient rien encore auprès de la sinistre et trop légitime défiance qu’on parvint à établir entre eux. Il y eut d’infâmes délateurs { que toute Phorreur que nous ‘On pour les tyrans, auteurs de tant d’assassinats, le cède à l’indignation qu'inspirent ceux de leurs complices dont nous allons rappeler le crime !), oui, il y eut des hommes qui, enfermés pour les mêmes causes, poursuivis par les mêmes haînes, songèrent à racheter leur vie en vendant chaque jour la vie de cinquante de leur compagnons. D’abord , sous les formes de l’amitié et de la confiance, ils attaquaient le cœur des malheureux, toujours prompt à s'ouvrir, Ils apprenaient sur quoi portaient leurs alarmes, et ces aVeux étaient recueillis comme leurs titres d’accusation au tribunal révolutionnaire. S'ils se voyaient repoussés , alors ils épiaient les soupirs échappés, les regards enflammés de lindignation. Mais, non, ils n’avaient pas même besoin de noter de tels indices. Fouquier-Thinville les appelait auprés de lui: Le tribunal révolutionnatre, leur disait-il, vVeulUne conspiration de prisons. Il nomme chefs du complot tels où tels de vos compagnons , choisissez le reste. Il faut porter le nombre de soixante à cent. Ils revenaient dans la prison, où chacun avait frémi du motif trop connu de leur absence. Ils s’avancaient au milieu des imprécations, que la terreur même ne pouvait contenir. Leurs regards, leurs Due annonçaient qu’ils tenaient la vengeance. Si quelque ‘omme timide craignait de les offenser , ils l’accablaient des Signes d’une indigne fraternité ; ensuite, enfermés dans leur Chambre, ils formaient leur liste. Ils cherchaient les victimes qui, par leur opulence, leur rang ou leur réputation, Pourraient le plus satisfaire au comité de salut public, puis Celles que leurs haînes particulières avaient depuis long-temps désignées. La pitié quelquefois leur faisait effacer