Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
NATIONALE. 197
gendre produisit sur Fassemblée , lorsque son cœur lui inspira un mouvement d'une touchante éloquence : « Ah! » disait-il, si je possédais des biens qui eussent appartenu » à lune de ces victimes { Eh! n’en était-il pas que nous » aurions voulu racheter de tout notre sang ? }, jamaisje ne » pourrais trouver de repos. Le soir, en me promenant » dans un jardin solitaire, je croirais voir dans chaque goutte » de rosée les pleurs de Forphelin dont j’occuperais l’hérita» ge. » La convention rendit aux familles des condamnés les biens qui n'étaient pas vendus.
… Plusieurs députés, parmi lesquels il faut compter Boissyd’Anglas, Thibaudeau, Baudin, Creuzé-Latouche , Henri Larivière , Daunou , Cambacérès, Lanjuinais et Pelet, se livrèrent à l'honorable tâche de faire révoquer plusieurs lois du code révolutionnaire. Je ne ferai point un détail, qui paraîtrait aujourd’hui minutieux, de tous les décrets absurdes ‘et cruels qui furent rapportés. Il faudrait faire à côté une liste plus longue de tous les décrets de ce genre que les préjugés et la fause politique de la convention maintinrent. Boissy fit rendre, sur la liberté des cultes, une loi de police qui était un retour à la tolérance. On fit quelques efforts pour relever Lyon de son désastre. Il n’y eut plus de ville française vouée à l'infamie. Marseille, la généreuse Marseille, l'avait été. Les ex- nobles furent délivrés de plusieurs signes de proscription dont les décrets les avaient frappés ; mais cette faveur ne dura pas jusqu’à la fin de la convention. Toutes les lois sur les émigrés furént maintenues , ou faiblement modifiées. La convention feignit et commanda toujours un respect superstitieux pour ce code terrible. Elle ne se croyait point assez puissante pour user de clémence envers les uns; elle voyait des embarras et des dangers à être juste envers les autres. IL n’était cependant personne qui ne dût frémir à l’aspect de ces immenses tables de proscription ; elles avaient été rédigées dans le même esprit et par les mêmes hommes que les listés des suspects. La propriété avait été regardée comme une preuve de l’émigration; la probité, l'honneur, comme de fortes présomptions de ce délit. La convention ne refusa point de recevoir des réclamations ; elles arrivèrent en foule. 11 y avait en France plus de cent mille individus sur lesquels l’assemblée conservait le droit de vie et de mort. Un seul comité { celui de législation ) fut chargé de prononcer tant de jugemens, dont chacun demandait le plus long, le plus pénible examen. On en obtint quelques milliers de décisions , la plupart favorables à l'innocence. Depuis , on établit un tel ordre de travail sur cet objet, qu’il eùt fallu un demi-siècle pour le terminer.