Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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insensé de s'arranger pour le bonheur dans un état aussi incertain; on se dédommageait, on s'étourdissait par des plaisirs sans faste , sans choix et sans scrupule : Nous dansons sur des tombeaux ; ce mot fut dit par ceux mêmes dont il condamnait la légéreté. Les femmes abdiquaïent leur héroïsme pour reprendre leur frivolité. Des demeures de proscrits étaient changées en des lieux de délices, où se portait une foule divisée par tous les intérêts, par tous les souvenirs, réunie par le besoin d'une passagère ivresse. Beaucoup de nouveaux riches offraient léur prodigalité en expiation de leur fortune. Les mœurs de la régence, dont nous rougissons pour nos aieux, revenaient sans être provoquées par une cour voluptueuse ; mais leur retour était dû en grande partie à une situation analogue. Les assignats, dont la chute s'accélérait avec une extrême rapidité , retraçaient toutes les déplorables et bizarres vicissitudes du système de Laws. Une source de dissolution non moins funeste était jointe à celle-là : je veux parler de la facilité scandaleuse et de l'espèce de faveur accordée aux divorces.

Une partie de la France goûtait le repos de la capitale etl'égayait par les mêmes vértiges ; mais le Midi, et surtout l'Ouest, offraient un tableau sinistre.

La vengeance avait organisé dans le Midi une formidable école où elle prenait ses renseignemens et choïsissait ses bourreaux. J'ignore s'il est à regretter qu’on ne soit pas encore parfaitement éclairei sur les élémens de ces compagnies de Jésus et du Soleil, dont l’existence parut longtemps une fable atroce, mais n’est que trop prouvée. J'ai rapporté, dans le Précis historique de la Convention, le massacre qui futcommis, dans les prisons de Lyon, sur des hommes accusés d’avoir eu part aux longues cruautés qui ensanglantèrent et dépeuplèrent cette ville. J'ai parlé aussi d'un massacre qui, peu detemps après, fut conimis dans la prison du fort Saint-Jean de Marseille. Je mai point retracé les détails de ce dernier crime, et je me reproche la faiblesse d’un pinceau que toutes les horreurs de ce genre, et celle de la glacière d'Avignon, et celle du 2 septembre, ont trop promptement fatigué. Il faut long-temps frémir quand on écrit et quand on lit ?’Æistoire de la Révolütion. Je dirai ici que la rage des assassins, qui s’appelaient les vengeurs de Jeurs pères, ent recours à une épouvantable variété de supplices. On assure que les détenus avaient été exténués par la faim, dans la crainte qu’ils n’opposassent quelque défense aux bras qui allaient les frapper. On assure que, lorque déjà plusieurs d’entre eux avaient expiré sous

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des conps répétés de stylets, de poignards, de baïonnettes,