Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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n'oppriment plus, et qui, par cela même, se regardent comme opprimés. Le serment de fraternité livré à tous les parjures après la victoire devient le pacte le plus rigide après la défaite.

Babœuf crut que la perspective d’un vaste pillage suffirait, à défaut de largesse pour émouvoir une populace qu'il rappelait à l'empire promis par Robespierre. Il s’'annonca comme le vengeur de ce tyran, qui avait lassé de ses crimes la populace elle-même ; Mais que peut-être elle regrettait : celle de Rome avait regretté Néron. Il composa des pamphlets où les vœux atroces de Marat et du père Duchesne étaient reproduits. La police fit une faible guerre à ces pamphlets. On délibérait gravement au corps-législatif et an Luxembourg même pour savoir s'ils étaient séditieux. Babœuf, s’exaltant dans ses fureurs, et croyant déjà les assouvir , se servait de sa plume comme d’un poignard. | |

Il n’y eut jamais une conspiration où l’on écrivit avec tant de scrupule les moindres détails, avec tant de flegme d'innombrables proscriptions. Il fallait toute la faiblesse et tous les timides ménagemens du directoire pour qu'il y eût quelques résultats à craindre d’une conspiration dont le chef écrivait chacune de ses pensées. De tous les matériaux qui ont été conservés pour l’histoire de la révolution , il n’en est point qui inspire plus d’étonnement que le recueil des pièces saisies chez Babœuf. Je me souviens de l’impression qu’elles produisirent lorsqu’elles furent publiées : on était glacé d’épouvante en lisant un plan tracé de la main de Babœuf, qui établissait un comité insurrecteur procédant avec le sombre mystère des inquisiteurs de Venise, communiquant avec plusieurs comités subordonnés , qui ne recevaient qu’une partie du secret, et n’en transmettaient encore qu'une plus faible partie à des agens chargés de l'exécution. Mais bientôt on jugeait que cette redoutable hiérarchie ne conviendrait qu'à une secte politique ou religieuse qui poursuivrait dans un long espace de temps un projet criminel. On avait de la peine à concevoir comment, du sein de l’indigence, des hommes obscurs ou méprisés avaient pu se procurer des renseignémens aussi exacts et aussi importans. Mais cette faction réunissait tous les hommes que la tyrannie de Robespierre avait formés aux délations ; ils n’avaient pas besoin d’un salaire pour continuer avec zèle et pour perfectionner un métier infime, qui chaque

jour augmente la bassesse et irrite la cruauté de ceux

Rite qui sy livrent,