Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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dépouilles des châteaux. Des meubles somptueux, achetés à vil prix dans les continuels encans des confiscations , étaient jetés pêle-mêle avec la bèche et le râteau. Gin

années du règne des assignats avaient plus subdivisé les propriétés en France que ne l'avaient fait les siècles pendant lesquels le régime féodal déchut progressivement. De. là une activité et un mouvement favorable à l’agriculture ; de-là aussi des penchäns et des goûts nouveaux pernicieux pour les agriculteurs ; enfin tout ce qui accompagne un bienfait que Île temps n’a point préparé, que la sagesse n’a point conduit.

La même prévention contre les assignats, plus tardive et moins générale dans les villes, y avait produit un mouvement encore plus forcé. Dans l’impatience de se saisir de valeurs positives, chacun s’était fait commercant; chacun teuait un magasin de marchandises transportées vingt fois par jour d’une maison à l’autre. La mode s’était emparée de cette précaution dictée par la crainte, et l'avait frappée de son vertige. Les femmes, qui, deux ans auparavant, traversaient sans cesse Paris pour aller fléchir les cruels persécuteurs de leurs parens, de leurs amis, se livraient aux mêmes fatigues, en poursuivant un gain chimérique qui tentait plus leur vanité que leur avarice. Dans ce commerce, ou plutôt dans cette petite guerre, l’inexpérience paya souvent tribut à l’habileté rusée. Cependant le luxe suivait un nouveau cours ; il était à peu près insignifiant, relativement aux anciennes distinctions du rang, et même de l’opulence. Il était d’une activité sans égale pour reproduire le plaisir et varier la mode. Au ridicule des noms grecs et romains portés par les plus ignobles et les plus odieux démagogues, avait succédé le ridicule plus léger des modes grecques et romaines portées intrépidement par des Françaises sous uné température peu favorable à ces essais. Les spéculateurs étrangers, en fournissant à ce luxe frivole, s’enrichissaient de ce que notre ancien luxe avait créé de plus précieux. Nos vins les plus recherchés faisaient, à peu de frais, les délices du Suisse ou du Hambourgeois. Des galeries de tableaux, des bibliothèques , étaient transportées en Russie: des Français plus avides que les étrangérs, et plus cruels envers leur patrie, achetaient et démolissaient des édifices publics ou particuliers, payaient leur acquisition avec une faible partie du produit des décombres. Les belles forêts et les beaux parcs tombaient sous le fer de ces impitoyables ‘acquéreurs.

La chute des assignats fut pour chacun une leçon de