Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 63

Grâce an plus beau décret de la convention, les biens des condamnés n'étaient plus une propriété nationale.

Une partie des biens des émigrés , et sur-tout leur mobilier, étaient vendus : on évaluait fort arbitrairement à plus d'un milliard ce qui en restait encore à vendre: Mais déjà l’opinion avaît tracé une grande différence entre ces biens et ceux du clergé. On ne voyait dans les premiers qu’une possession inquiète qui, dans plusieurs départemens de l'Ouest et dans ceux du Midi, faisait craindre l’assassihat. D'autres genres d’alarme venaient fortifier la voix du scrupule : les triomphes de la république pouvaient avoir leur terme; la vengeance sévère que l’on exerçait contre les émigrés pouvait s’adoucir au sein même des victoires: on savait combien d’iniquités révoltantes avaient grossi la liste fatale ; déjà la convention en avait réparé plusieurs. Le directoire était éloigné de parler de clémence , mais du ‘moins il parlait de justice. Il avait à prononcer sur quatrevingt mille réclamations. A la vérité, il s'était prescrit à cet égard un ordre de travail si lent, si embarrassé, qu’un demi-siècle eût à peine suffi pour le terminer. Cependant on l’avait vu, dans quelques occasions , entraîné par l’équité, et même par l'intrigue : il se plaignit souvent avec amertume de la corruption qui environnait ses bureaux. En. rétractant des faveurs qu’il disait lui avoir été surprises, il fit connaître plus généralement qu’il était possible de le surprendre. La cupidité des hommes d’affaires put calculer quelquefois s’il y aurait plus de profit à se mettre en possession des biens d’un émigré qu'à obtenir son retour. Jusqu'au 18 fructidor, le directoire montra de l'éloignement pour les supplices : l'opinion publique pouvait tout supporter , hormis les échafauds : leur constant appareil eût à peine sufi pour réprimer dans la plupart des émigrés l’'ardent désir de revoir leur patrie. Fatigués de ne trouver le plus souvent chez les étrangers qu’une hospitalité avare et dédaigneuse , irrités contre les rois, ils ne craignaient plus de trouver un tombeau dans la terre natale. On vit alors combien les mœurs d’une nation douce modifient des lois cruelles , ou plutôt on vit tout le danger de ces lois de proscriptions , que les sentimens généreux n’éludent que par des délits civiques. Parmi les généraux, les soldats, les administrateurs, les juges et les agens diplomatiques, ‘il y en eût peu qui ne favorisassent le retour de quelque émigré. La pitié, la reconnaissance , les vieilles amitiés multipliaient pour eux les témoignages imposteurs qui assuraient au moins leur vie; et si le nombre des émigrés “était immense, le nombre de ceux qui avaient trompé en

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