Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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chal marquis d’Alvinzi, avait été nommé pour commander une troisième armée d'Italie, qui s'élevait à cinquante mille hommes. La république de Venise faisait plus que de livrer passage à cette armée, elle lui fournissait tous les genres de secours; elle ouvrait pour elle ses arsenaux, ses magasins. Elle excitait sourdement les fureurs du peuple des villes et des campagnes contre les Francais qui s’y trouvaient répandus. Je ne sais quelle funeste illusion lui montrait dans Bonaparte, destructeur de deux puissantes armées, un général vaincu, ou près de l'être. La même erreur agitait des états voisins, mais sur-tout ceux du pape. L'Italie Juttait par des assassinats contre tant de victoires. Bonaparte n’avait plus rien de fidèle autour de lui que son armée. Peut-être répugnait-il à sa fierté de demander au directoire des renforts pour réparer les pertes qu'il avait dû faire dans un si grand nombre de batailles et de combats; et d’ailleurs ces renforts étaient dus bien plutôt aux deux armées d'Allemagne, que la fortune avait abandonnées. L'opinion publique en France avait élé moins frappée de ses derniers succès que des précédens. Bonaparte était placé entre les inquiétudes des républicains et les murmures des royalistes, qu’une admiration involontaire pouvait seale contenir. Tous ces chagrins pesaient sur son ame, sans cependant troubler sa pensée.

Au milieu des embarras et des dangers que je viens de décrire , Bonaparte attend l’armée d’Âlvinzi, sans se précipiter vers elle. 11 confie au général Kilmaine l’investissement et le siége de Mantoue. Il le laisse répondre aux sorties d'abord impétueuses, ensuite plus languissantes que répète souvent Wurmser. Il se porte vers l'Adige. Depuis près d’un mois, il avait évacué tous les postes qu'il occupait au-delà de ce fleuve. Déjà il s'était livré sur ses rives quelques combats glorieux pour les Français, et dans lesquels s'étaient distingués les généraux Augereau et Massena ; mais ce n'étaient encore que de faibles avant-coureurs de la bataille d’Arcole,

Le 15 brumaire, les deux armées étaient en présence sur l’Adige. Déjà les deux divisions d’Augereau et de Massena l’avaient passée. Maïs on arrive au pont d’Arcole : la position de ce village était formidable ; les Autrichiens y avaient placé et caché, en quelque sorte, l’élite de leurs forces. Ils avaient garni d'artillerie des canaux profonds et qui se croisaient en tous sens. Un obstacle plus terrible et moins apercu se présentait à l’armée française ; c’étaient des marais dangereux dont on ne soupconnait ni l’étendue ni la profondeur. Le soldat s’y jette, s’y enfonce ; a peine à soulever son fusil ; ne sort d’un pas périlleux que pour